L'ACTUALITE LITTERAIRE
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RELECTURE
•
L'absurde
dans les nouvelles de Rachid Mimouni
par
Mehana Amrani*
Adjectif, absurde, au sens courant,
selon le dictionnaire Larousse,
qualifie une situation qui “manque
de logique, de sens commun”.
Nom, l'absurde, au sens
philosophique, toujours selon le
dictionnaire, se rapporte à un
“courant de pensée qui traduit une
prise de conscience, souvent
dramatique, de l'irrationalité du
monde et de la destinée humaine. (Il
se manifeste particulièrement dans
l'existentialisme — Sartre, Camus
— et le théâtre contemporain —
Ionesco, Pinter, Beckett.)”.
Dans les deux définitions, il est
question de l'irrationalité du monde,
une irrationalité dramatique parce
qu'elle sévit contre l'homme. C'est
en effet l'homme qui ressent
l'absurde soit simplement par le fait
d'exister — une idée chère aux
philosophes existentialistes — , soit
parce que l'existence concrète, la vie
quotidienne de l'homme, crée des
situations cocasses, c'est-à-dire
finalement absurdes.
Nous allons montrer que les sept
nouvelles de Rachid Mimouni,
réunies dans le recueil, La ceinture
de l'ogresse1 sont toutes empreintes
du sentiment de l'absurde. Mais —
et c'est ce que nous voulons
expIiquer — il ne s'agit pas de
l'absurde métaphysique que
décrivent les philosophes et
écrivains existentialistes.
Foncièrement social, l'absurde est
subi par les personnages des
nouvelles de Mimouni, non pas à la
suite d'une méditation philosophique
sur le sens/non-sens de l'existence,
mais à la suite de situations vécues,
illogiques, sans solutions.
Roquentin, dans La nausée de
Sartre, fait face au sentiment de
l'absurde au moment où il prend
conscience, par le truchement d'une
méditation, de l'existence. Dès lors,
cette existence lui pèse, il ressent
une nausée parce que cette existence
est saumâtre, elle ne se justifie pas.
Et Roquentin dans cette existence se
sent de trop.
Sartre explique ainsi la création de
ce type de personnage : “Je réussis à
trente ans ce beau coup : décrire
1 Rachid Mimouni, La ceinture de l’ogresse.
Alger : Laphomic, 1990.
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dans La nausée — bien sincèrement,
on peut me croire — l'existence
injustifiée, saumâtre de mes
congénères et mettre la mienne hors
de cause. J'étais Roquentin, je
montrais en lui, sans complaisance,
la trame de ma vie.”2
Pourtant, dans la réalité concrète
de sa vie quotidienne, il n'arrive rien
de désagréable — encore moins de
dramatique — à Roquentin. Certes,
entre le monde et Roquentin il y a
rupture; il y a incommunicabilité,
mais cette rupture se situe à un
niveau mental.
Il n'y a guère d'obstacles concrets,
physiques qui empêchent Roquentin
de se livrer à ses activités
d'historien, de flâner comme bon lui
semble, d'aller à son café habituel,
de faire l'amour à la patronne du
bar…
Roquentin refuse d'emblée le
monde.
Rien de tel dans l'univers décrit
par Mimouni dans les nouvelles de
La ceinture de l'ogresse, parce que
les personnages, ici, subissent
l'absurde au sens physique, malgré
leur bonne volonté ou plutôt à cause
de leur bonne volonté.
Eux aussi vivent une rupture avec
le monde; mais cette rupture se
déroule sur le mode d'une
expérience malheureuse subie.
Cet absurde mimounien, nous
avons tenté de le cerner à travers
trois axes :
Le premier axe se propose de fixer
les irrationalités de l'absurde telles
qu'elles se dégagent des nouvelles.
2 Jean-Paul Satre, Les mots. Paris : Gallimard,
1964.
L'objectif de ce premier axe est de
montrer comment se manifeste,
comment surgit, l'absurde.
Le deuxième axe pointe les
personnages des nouvelles en butte
à l'absurde. Le repérage de leurs
attitudes professionnelles nous
paraît être un paramètre pertinent
quand il est mis en vis-à-vis avec les
hostilités du monde extérieur. Le
but est de montrer que l'absurde
s'abat, finalement, en gros du moins,
sur des personnages du menu peuple
et dont la tare essentielle est d'être
foncièrement honnêtes.
Le troisième axe s'intéresse à
l'impact de l'absurde sur le devenir
des personnages. Il enregistre la
récurrence des fins tragiques qui se
déclinent sur le mode du couple
mort/exil.
Les irrationalités de l'absurde
Dans la nouvelle Le manifestant,
l'absurde se déclame d'abord à
travers le spectacle insolite d'une
manifestation solitaire en faveur du
président de la République. L'action
n'est pas illégale, mais elle constitue
une rupture avec l'ordre habituel des
choses qui voudrait toujours qu'un
soutien au président ne puisse
paraître qu'à travers un défilé
massif, un raz de marrée, un bain de
foule…
Toutefois, l'acte n'étant pas illégal,
l'arrestation du manifestant devient
une démarche entachée d'absurdité
car elle participe d'une répression
d'une opinion libre.
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L'absurde surgit aussi à travers la
condamnation à mort du
manifestant :
“Une nuit, on vint chercher le
prisonnier pour l'emmener, menottes
aux poignets, vers une lointaine
prison militaire. On le fourra dans
une cellule souterraine. Il n'en sortit
que trois mois plus tard pour se
retrouver dans une salle face à trois
officiers solennels siégeant derrière
une longue table.
Le plus gradé donna lecture des
chefs d'inculpation.
- Vous êtes accusé d'intelligence
avec des agents étrangers, d'atteinte
à la sûreté intérieure et extérieure de
l'Etat, de détournement des deniers
du Front, d'offense au Chef de l'Etat,
de troubles à l'ordre public. Vous
êtes passible de la peine de mort.
Qu'avez-vous à dire pour votre
défense?”
En définitive, la nouvelle Le
manifestant décrit un monde
absurde où l'innocence est accueillie
par une condamnation à mort.
Dans la nouvelle Histoire de
temps, on ne peut s'empêcher de
penser à la pièce En attendant
Godot de Samuel Beckett. Dans le
texte de Mimouni, l'attente de
Belkacem le chef de gare du village
se prolonge indéfiniment et le train
ne pointera jamais son bout du nez.
Le train de Mimouni remplace
Godot, mais si ce dernier
personnage est inconnu, le train, lui,
est connu dans le village avant de
prendre, un beau jour, la clefs des
champ. Dans les deux cas, chez
Beckett comme chez Mimouni,
l'attente est d'autant plus pathétique
qu'elle est sans espoir.
Cependant, l'absurde ne s'arrête
pas là car la décision de tracer une
nouvelle voie ferrée est elle-même
absurde. Ce n'est pas une action
sensée que de vouloir isoler un
village dont la seule fenêtre sur le
monde moderne est justement le
train.
L'absurde se love aussi dans la
pratique autoritaire car ni le chef de
gare ni les habitants du village n'ont
été informés. De là à les consulter…
Et pourtant :
“Le chef de gare de Sidi Larbi
avait raison. Le train 1637 passait
toujours à la même heure. Après
avoir traversé Sidi Larbi, il entamait
un majestueux détour sur sa voie
large et double, évitait le village puis
s'enfoncait dans les montagnes”.
Dans la nouvelle Le gardien,
l'absurde, sous une forme anodine,
consiste à faire du Parc de la Liberté
un simple lieu de passage de gens
pressés. Cet absurde corrigé, anéanti
par le gardien qui obtient de son
directeur l'autorisation de fermer
l'une des grilles du parc, un autre
malheur (absurde) survient car un
inconnu s'est mis à badigeonner la
tête de la statue de l'Aphrodite noire.
Le méfait réparé, le gardien a beau
passer ses nuits au parc, un jour sa
vigilance est prise à défaut : le
badigeonneur revient à la charge.
Comme le gardien tenait tant à son
Aphrodite noire, il s'est transformé
en son garde du corps. Cependant,
le gardien du parc, devenu
sentinelle, a laissé tout dépérir
autour de lui.
Dans la nouvelle Les vers à soie,
l'absurde est envahissant parce qu'il
se manifeste à travers tout le
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personnel de l'usine du textile dont
le comportement est fait
d'insouciance, d'inconséquence,
d'inconscience et, pire, de sabotage.
L'ingénieur sériciculteur a beau
multiplier ses efforts, a beau
surveiller ses incubateurs, a beau
user de prévoyance… les vers à soie
meurent les uns après les autres, une
fois parce qu'une panne électrique
survient indûment, une autre fois
parce qu'on avait donné une
mauvaise nourriture aux vers à
soie…
Bref, l'absurde décrète que les vers
ne fileront pas le moindre fil.
Dans la nouvelle Le poilu,
l'absurde sévit parce que l'amour ne
triomphe pas. Il est empêché par la
séparation, la mort… Les deux
jeunes gens qui se sont rencontrés
sur une plage en Algérie sont
finalement promis à des fins
tragiques : Saliha succombe à une
maladie incurable à Paris; resté en
Algérie, Farid, juché sur le rocher
face à la mer, scrute l'horizon dans
l'espoir de voir Saliha revenir.
Finalement, il est délogé de son
rocher et conduit à l'hôpital
psychiatrique…
Le narrateur de la nouvelle, témoin
des événements, quitte
définitivement la plage d'El Karma
car l'absurde est si fort qu'il atteint
également les lieux, comme la
plage, qui d'habitude sont
synonymes de joie, de bonheur…
Dans la nouvelle Les ordinateurs
et moi, contre toute attente — ou
bien contre la rationalité
informatique et sa promesse du
progrès — l'usage de l'ordinateur est
dévoyé puisqu'il sert soit à annoncer
l'existence d'une pénurie — une
pompe à l'huile pour une voiture en
l'occurrence — soit à commettre une
erreur sur le compte bancaire d'un
pauvre instituteur de village.
Le cerveau artificiel — “sachez
que ces machines ne font jamais
d'erreur”, assure le préposé au
fonctionnement de l'appareil
informatique — qui déraisonne,
voilà l'absurde, informatiquement
matérialisé.
Dans la nouvelle L'évadé,
l'absurde se décline sur le mode
dictatorial qui réprime férocement la
liberté d'opinion. L'absurde sévit
aussi à travers le comportement de
la foule car celle-ci, haranguée par
l'évadé, semble acquise à son
discours, et pourtant elle reste
placide quand celui-ci est
froidement assassiné.
Ces situations d'absurde décrites,
on peut creuser davantage le
phénomène en s'intéressant aux
types de personnages qui le
subissent.
Les personnages
en butte à l'absurde
Postier, chef de gare, gardien d'un
parc, maître nageur; dans quatre
nouvelles, les personnages
principaux appartiennent au menu
peuple. Par leur statut social, ils
n'ont rien d'extraordinaire.
Suivant la typologie que propose
Philip Hamon, ce sont des
personnages référentiels: “Tous
renvoient à un sens plein et fixe,
immobilisé par une culture, à des
rôles, des programmes, et des
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emplois stéréotypés, et leur lisibilité
dépend directement du degré de
participation du lecteur à cette
culture (ils doivent être appris et
reconnus). Intégrés à un énoncé, ils
serviront essentiellement
«d'ancrage» référentiel en renvoyant
au grand Texte de l'idéologie, des
clichés, ou de la culture; ils assurent
donc ce que R. Barthes appelle
ailleurs un «effet de réel»”.3
Dans deux nouvelles — Les vers à
soie et Les ordinateurs et moi — les
deux personnages principaux, deux
agents-narrateurs, sont des clercs.
Enfin, dans L'évadé, le personnage
principal est un opposant politique
dont la formation intellectuelle n'est
pas précisée.
On peut décrire la situation de ces
personnages à travers leurs attitudes
professionnelles et leurs rapports
face aux détenteurs de quelque
pouvoir ou tout simplement face à
un environnement immédiat
immanquablement hostile; une
hostilité délibérée ou inconsciente.
Qu'ils soient du menu peuple,
clercs ou leader politique
emprisonné, les personnages des
nouvelles de Rachid Mimouni ont
tous, en commun, leur honnêteté
professionnelle, leur bonne volonté,
une conscience aiguë de leurs
tâches… En bref, ce sont des
travailleurs modèles.
Tahar Djaout écrit sur le
comportement de ces personnages
de Rachid Mimouni : “Qu'ils soient
postiers, chefs de gare, gardiens de
3 Philip Hamon, “Pour un statut sémiologique
du personnage”, Poétique du récit (collect.).
Paris : Le Seuil, 1977.
parc, ingénieurs sériciculteurs ou
maîtres-nageurs, les héros de La
ceinture de l'ogresse possèdent tous
une tare inexpiable : ils font
consciencieusement leur travail!
C'est là évidemment le plus
indélébile affront à un ordre social
où l'approximatif, l'imprévu, le
picaresque, le grotesque,
l'inénarrable et le drolatique sont
érigés en règle d'or”4.
Effectivement, les attitudes
professionnelles exemplaires des
héros des nouvelles de Mimouni
vont entrer en collision avec un
monde invariablement hostile.
L'absurde va donc se jouer en un
spectacle où s'affrontent des
attitudes professionnelles faites
toutes d'abnégation, de volonté,
d'honnêteté, et des pratiques sociales
largement gagnées par
l'improvisation, l'incurie,
l'incompétence… et par
l'autoritarisme toujours prêt à
dégainer et à sévir sans
ménagement.
Les pratiques
d'un ordre hostile
Les héros de Mimouni évoluent
toujours dans des univers difficiles
où toute bonne volonté est
combattue sans relâche, où toute
initiative est inlassablement — et
méthodiquement, pourrait-on dire
— découragée.
Le monde hostile auquel ils sont
bien obligés de faire face est varié
4 Tahar Djaout, “La ceinture de l’ogresse.
L’orchestre de l’absurde”, Algérie Actualité
26/04, 2/05 1990.
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sur le plan du statut social — cela
peut être un simple chauffeur qui
n'arrive jamais à l'heure, un inconnu
plaisantin, un directeur d'une usine,
une autorité politique — , mais
invariable dans son déploiement
malveillant.
Ce monde hostile se signale
toujours par des actions
inappropriées, illogiques et
autoritaires. Il s'agit alors d'arrêter,
d'emprisonner, de condamner à
mort, de plonger un village dans la
régression par le fait de supprimer
sa gare, de badigeonner la statue de
l'Aphrodite noire, de tuer (par
négligence ou volontairement) les
vers à soie, de compliquer
davantage la vie d'un instituteur de
village en inscrivant
malencontreusement dans son
compte une fortune qu’évidemment
il ne possède pas…
Quand les hommes ne se mêlent
pas du malheur des personnages,
c'est le destin qui se met de la partie,
comme dans la nouvelle Le poilu,
où l'amour est empêché par la
séparation et la mort.
Si nous mettons en vis-à-vis les
attitudes professionnelles
exemplaires et les comportements
hostiles de l'ordre social, nous
remarquons que le combat se
déroule entre des volontés
individuelles, toujours brimées, et
des conventions sociales
hégémoniques. Le code social
écrase l'individu, fait avorter les
initiatives individuelles, réduit à
néant les efforts solitaires, brise les
destinées singulières… A ce niveau
de l'analyse, il est fondé de dire que
l'absurde chez Mimouni se structure
sur cette apparente opposition ente
l'hégémonie sociale et les volontés
individuelles. Et, dans cette lutte
acharnée, il y a toujours un perdant :
c'est l'individu. C'est le lieu de
s'interroger justement sur les types
d'échecs.
Les impacts de l'absurde
Aspect hautement significatif,
toutes les nouvelles de Mimouni
débouchent sur la mort physique ou
symbolique. Vu sous cet angle,
l'impact de l'absurde est terrible.
Ici, la mort est violente et
instantanée comme dans L'évadé; là,
elle est lente mais non moins
dramatique comme dans Histoire de
temps où Belkacem, le chef de gare,
meurt de chagrin.
La mort atteint non seulement les
hommes mais aussi les animaux et
les plantes : les vers à soie rendent
l'âme autant que les fleurs et les
arbres du Parc de la Liberté.
L'absurde se transforme donc en
véritable cataclysme qui emporte
sur son passage les hommes, les
animaux et les plantes.
L'exil, autre issue du monde
absurde, peut être considéré comme
une forme de mort, symbolique
celle-là mais non moins dramatique
car le renoncement ne se fait pas
sans déchirement, sans perte
d'illusions…
En somme, la philosophie de
Rachid Mimouni dans ces nouvelles
— mais en fait dans toute son oeuvre
— consiste à suggérer que la seule
issue possible à l'univers de
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l'absurde est la mort, symbolique ou
physique.
L'auteur souscrit volontiers à cette
explication : “Si quelqu'un ne cesse
pas de faire des «crapuleries», s'il
tue, s'il vole, etc. et réussit, les gens
sont bien obligés de se dire à un
moment donné : «est-ce que ce n'est
pas ça qu'il faut faire», et ceux qui,
pour des raisons morales, se
refusent à aller dans ce sens-là, à
laisser cette part de mal qui est en
eux prendre le dessus aboutissent à
une situation d'échec. Le premier
type d'échec qui se retrouve le plus
souvent c'est la folie. La folie étant
inconscience, on reste en vie mais
on ne fonctionne plus sur la réalité.
On fonctionne dans un univers
totalement personnel, coupé du reste
du monde. Autrement dit, à ce
moment-là on ne vit plus les
contradictions de la société
puisqu'on n'en a pas conscience, on
ne vit plus que dans un univers
personnel totalement détraqué.
L'autre situation qui est évidemment
une non-fin, est une solution parce
qu'elle supprime l'individu, c'est la
mort.”5
Sans doute y a-t-il du Sisyphe dans
les nouvelles de Mimouni puisque,
comme lui, les héros de La ceinture
de l'ogresse renouvellent sans cesse,
inlassablement, un travail que
viennent immanquablement détruire
des protagonistes particulièrement
malveillants. L'effort,
continuellement renouvelé, butte sur
5 “Rachid Mimouni. La remontée du fleuve”
(Interview), Les Nouvelles de l’Est, 11-17/05
1991.
un échec, à chaque fois
recommencé.
Cependant, chez Mimouni, par le
choix de personnages référentiels
dont la fonction est d'ancrer la
fiction dans des référents sociaux —
le clin d'oeil à la société algérienne
est évident — inextricables,
l'absurde est historiquement et
socialement daté.
S'il faut chercher une parenté à
l'absurde de Mimouni, ce n'est pas
du côté de Sartre ou Camus qu'il
faut regarder, mais de Kafka, un
Kafka actualisé dans le contexte
algérien.
A l'absurde métaphysique cher aux
philosophes existentialistes, répond
l'absurde contingent de Mimouni
aux prises avec le vécu algérien.
C'est pourquoi à la différence des
personnages de Sartre ou Camus qui
refusent le mond d’emblée, ceux de
Mimouni expriment face au monde
une pathétique bienveillance. Eux
ne reffusent point le monde, c'est, au
contraire, le monde qui les refuse.
Cependant, chez les existentialistes
comme chez Mimouni, la rupture
entre les hommes et le monde, sur le
mode de l'incommunicabilité de
deux logiques diamétralement
opposées, reste la marque
fondamentale qui donne au
sentiment de l'absurde toute sa
signification, et qui, par ricochet,
nous interpelle sur le tragique de la
condition humaine.
* ILE, Université de Sétif.
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